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Le stress au travail

Autrice: Karine Cavoit

10/02/2021 à 13h00

Un problème qui en touche plus d'un

Nous avons tous été, un jour ou l’autre, confrontés aux conséquences néfastes du stress sur notre organisme. Des chercheurs ont certes identifié les mécanismes, physiques et psychologiques, qui agissent en chacun de nous. Mais nos sociétés modernes, dites « civilisées », semblent aussi porteuses de ce mal…

Une amie sort de chez son médecin, elle est enrhumée pour la énième fois cette année. Son médecin lui dit qu’il ne sert à rien de stresser ainsi, et la sentence tombe : « C’est psychosomatique ! ». Un autre se rend chez son ostéopathe, le dos complètement coincé, ce qui n’arrange pas ses affaires professionnelles. « J’en ai “plein le dos” de mon boulot, mais ce n’est pas le moment de m’arrêter, je dois faire face », lance-t-il.

Maux de tête, de ventre, de dos, troubles musculo-squelettiques (TMS*), ulcère, asthme, eczéma, psoriasis, crise cardiaque, cancer, etc. sont autant de maux voire de maladies graves générés bien souvent par un état de stress prolongé. Que se passe-t-il dans notre corps quand nous sommes stressés ? On parle de stress dans les médias, autour de nous, mais de quoi parle-t-on au juste ? Pourquoi sommes-nous assujettis à ce mal qui pourrait bien se révéler le témoin de l’évolution de nos pays industrialisés ?

Le Syndrome général d’adaptation

La notion de stress est introduite pour la première fois dans les années 1950 par Hans Selye, endocrinologue. Il s’agit d’« un changement brutal survenant dans les habitudes d’une personne, jusque-là bien équilibrée, qui est susceptible de déclencher un bouleversement dans sa structure psychique et somatique(1); ». Il décrit un syndrome réactionnel au stress où l’ensemble de notre système endocrinien serait en jeu.

C’est ce qu’il appelle le « Syndrome général d’adaptation » qui comporterait trois phases d’adaptation au stress. La première phase dite « d’alarme » trouve ses origines dans l’évolution de notre espèce. Elle fait appel à l’instinct de survie et nous prépare à fuir, combattre ou être paralysé par la peur devant un danger imminent, ceci grâce à la sécrétion d’adrénaline. Le coeur s’accélère, nos fonctions cognitives sont en suractivité pour répondre au plus vite au danger.

L’équilibre est rompu, notre organisme ne peut rester dans cet état « énergivore » et va tendre vers un retour à l’homéostasie quand bien même les sources du stress ne sont pas solutionnées. Au-delà de quarante-huit heures, nous entrons en phase de résistance, notre organisme va continuer de puiser dans ses ressources. La sécrétion de glucorticoïdes permet une augmentation du taux de sucre dans le sang nécessaire à l’organisme, au coeur, au cerveau et aux muscles pour faire face à la situation anxiogène. On observe également une augmentation de la tension artérielle, une action antidouleur ainsi qu’une suractivité du système nerveux parasympathique(2). Notre réflexion se porte toujours sur la diminution des tensions.

C’est ainsi qu’à la fin des années 1970, des chercheurs en psychologie sociale appliquée à la santé ont mis en évidence les stratégies de « faire face » ou d’ajustement dites « coping ». Elles sont définies comme l’« ensemble des processus qu’un individu interpose entre lui et l’événement stressant pour maîtriser, tolérer ou diminuer l’impact de celui-ci sur son bien-être physique et psychologique.(3) » Au-delà de trois mois, quand les sources du stress sont toujours présentes et que les tensions ne peuvent être diminuées, l’organisme en surrégime finit par « décompenser ». Le système immunitaire est affaibli et des pathologies physiques et/ou psychologiques apparaissent.

Le burn-out, cet épuisement professionnel

Du point de vue du stress professionnel, des chercheurs en psychologie ont pu décrire le burn-out ou épuisement professionnel. L’équilibre cher à notre organisme n’est plus possible, toute activité et toute pensée deviennent alors souffrance. Des études montrent qu’un individu épuisé va prendre les décisions qui lui coûtent le moins, pas forcément les meilleures pour son activité de travail, parfois à haute responsabilité.

Toute récupération est impossible. Insomnies, déplaisir, agressivité, pensées orientées vers le problème, etc. sont caractéristiques du burn-out. Il est à noter que le tableau clinique du burnout est différent de la dépression car il ne s’agit pas d’un trouble de l’humeur, même si on observe une tendance au détachement émotionnel. C’est cette souffrance qui devient constante, insupportable et intolérable, qui conduit parfois à de malheureux passages à l’acte.

Le stress, une maladie ?

À la question de savoir si le stress est une maladie, nous serions tentés de répondre « oui » quand on parle du Syndrome général d’adaptation. Il faudrait plutôt considérer le stress comme un ensemble de symptômes qui nous renseigne sur notre état psychologique et/ou physique. Il est temps aujourd’hui de rompre avec la définition d’Hans Selye quant au bon et au mauvais stress, qui a induit les stéréotypes culpabilisants et destructeurs véhiculés par les médias entre autres, telle que l’image du jeune cadre dynamique représentatif de la réussite sociale.

Une stimulation ponctuelle peut se révéler en effet grisante, dans la relève de défis personnels. En revanche, tout stress est nuisible pour la santé. Apprenons à redonner du sens au travail que nous faisons, à relaisser du temps au temps, à nous respecter nous-mêmes et les autres, afin de vivre en parfaite harmonie avec notre environnement. Quand nous observons la conjoncture actuelle et la souffrance au travail en montée constante, il est urgent de réfléchir à la perte de notre identité, de reconsidérer l’impact de la destructuration lancinante du collectif dans notre pays, voire de repenser notre système économique en place qui a montré ses limites**.


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